CONVEGNO/LA RELAZIONE DI MESSINA

Amoris Laetitia e il caso africano

La Amoris Laetitia risente di un certi euro-centrismo, anche se incoraggia le Chiese locali a inculturare principi che sono universali. Ma in Africa la vera crisi della famiglia si chiama poligamia.  

Ecclesia 22_04_2017
Jean Paul Messina

Il me plait, d’entrée de jeu, important de souligner que ma présence à ce colloque, répond à une invitation qui m’a été adressée par les organisateurs pour dire en tant qu Africain quel est l’écho de A. L .dans notre continent et ce que je pense de cette Exhortation. Je pense que sans etre le porte-parolede l’Afrique, ni des Eglises d’Afrique, mon propos risque d’etre différent de ce que les éminents spécialistes disent depuis ce matin.Mon propos s’inscrit dans un registre différent. Je dirai d’abord ce qui me parait intéressant et important dans cette Exhortation, en lien avec

Le style du Pape François et ce que nous aurions voulu voir abordée aussi dans cette Exhortation, à savoir la polygamie.

 

Amoris Laetitia : survol d’ensemble.

La joie de l’Amour, traduction française du titre de l’Exhortation du Pape François, est publiée à la suite du synode extraordinaire sur la famille (5-19 octobre 2014 à Rome) et du synode célébré l’année suivante sur la vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde (4 - 25 octobre 2015 à Rome). Il n’est pas inutile de rappeler que cette Exhortation paraît dans la mouvance de la célébration de l’année de la Miséricorde (8 décembre 2015 - 20 novembre 2016), dont elle porte d’ailleurs des accents même si la Lettre apostolique Misericordia et misera, fruit de cette célébration, paraît le 20 novembre 2016, soit 7 mois plus tard.

Comme de tradition, une Exhortation apostolique est rédigée à partir des idées forces des Pères synodaux, enrichie de la touche personnelle du Pape. Amoris Laetitia n’a pas dérogé à cette tradition. Sa singularité est cependant d’aborder un sujet très sensible, dont les prises de position au cours de l’histoire, ainsi que les évolutions du point de vue de la perception sociopolitique, ont révélé le caractère complexe et mis souvent à rude épreuve tant la morale chrétienne que la morale sociale.

Bien plus, dans le contexte d’une Église dont le développement planétaire impose la prise en considération des différents aspects anthropologiques de la famille, et subséquemment du mariage et de l’amour, il n’est pas aisé dans un aréopage synodal d’accorder les points de vue et de dégager une approche pastorale consensuelle. Et c’est précisément, en raison de cette complexité et des défis pastoraux qui en découlent, face à la mondialisation matérialisante sans égard aux valeurs spirituelles, que le synode sur la famille a paru pertinent et urgent. On comprend, dans cette logique, qu’après le synode sur la Nouvelle Évangélisation, il fallait aborder la question de la famille ; car c’est elle qui est au cœur de la Nouvelle Évangélisation, à la fois comme agent et comme bénéficiaire, au sein de la communauté ecclésiale.

Le Concile Vatican II avait déjà, dans Gaudium et spes, d’une manière assez relevée, attiré l’attention sur la famille, en parlant de «quelques problèmes plus urgents  ». Le concile soulignait avec un accent remarquable que la dignité de la personne humaine était inséparable de la dignité de la famille. La constitution pastorale Gaudium et Spes rappelait alors la vocation du mariage et de la famille à la sainteté, tout en reprécisant l’enseignement de l’Église en la matière.
«La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée par des lois propres par le Créateur ; elle est établie sur l’alliance des conjoints, c'est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable».

Le Pape Jean Paul II, un des rédacteurs historiques de Gaudium et Spes, a convoqué un synode qui s’est célébré en 1980 sur la famille, dont il a tiré l’Exhortation post synodale Familiaris Consortio en 1981.
En rappelant les bienfaits du mariage, du bonheur des époux, dont il faut configurer l’amour conjugal à celui qui nous vient de Dieu, Père et Créateur, le Pape Jean Paul II a parlé de charité conjugale . Le problème préoccupant au moment où ce synode se célèbre est le divorce. Il y a comme une crise générale qui affecte les familles à cause du recours très récurrent au divorce.

Entre le Concile Vatican II et l’élection du Pape François en 2013, la famille est au cœur de graves tribulations sociales. Elle est menacée dans ses fondements divins. L’homosexualité, pratique marginale et souterraine jusqu’à la fin du XXe siècle, s’est inscrite en force parmi les droits de la personne humaine au début de ce troisième millénaire, et est même devenue un enjeu politique majeur du fait de la surenchère électoraliste qui ne laisse guère indifférents les hommes politiques. On parle du mariage pour tous et on assiste à une cascade de légalisations du mariage gay, en Occident notamment. Le vocabulaire subit une translation qui cache mal le malaise qui affecte la famille, précisément parce qu’on veut substituer au concept de famille, celui de parents. Entre temps, le problème du divorce et celui des divorcés remariés ne fait que s’amplifier. Si la doctrine de l’Église sur le mariage est connue : la consommation, l’unicité et l’indissolubilité du mariage, et la fidélité des époux ; il se pose cependant un problème crucial d’attention pastorale à accorder à tous ceux qui se sont écartés de cette doctrine, volontairement ou accidentellement ; ainsi qu’une question morale pour tous ceux qui subissent injustement l’engagement non tenu du conjoint. Comment faire et être Église  au regard de la dégradation de la morale conjugale ?En réponse, Amoris Laetitia propose des orientations pastorales nouvelles.

Il faut se reporter au n° 297 de l’Exhortation pour le comprendre : 

«Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale».

Au demeurant, je voudrais m’éviter de résumer ici l’Exhortation apostolique post-synodale du Pape François, pour ne pas répéter ce que des voix plus autorisées ont déjà bien dit. Je me dois cependant de reconnaître que Amoris Laetitia se situe dans la cohérence de la pensée pastorale du Pape François, qui promeut une collégialité épiscopale plus horizontale que verticale. Il en avait déjà donné le ton dans Evangelium Gaudium : 

«Le concile Vatican II a affirmé que, d’une manière analogue aux antiques Églises patriarcales, les conférences épiscopales peuvent « contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement ». Mais ce souhait ne s’est pas pleinement réalisé, parce que n‘a pas encore été suffisamment explicité un statut des conférences épiscopales qui les conçoive comme sujet d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité doctrinale authentique».

Le souci du Pape François, depuis Evangelium Gaudium,  est d’associer les Églises locales à la recherche des voies et moyens permettant de mieux vivre la foi dans l’Église,à partir d’une bonne connaissance de l’Évangile. Amoris Laetitia, en ses 325 numéros répartis en 9 chapitres, aborde, à la lumière de la Parole de Dieu, les réalités de la famille telles qu’elles se posent dans nos sociétés actuelles. Et sans rien sacrifier à la doctrine traditionnelle de l’Église en la matière, elle exprime également la pensée du Pape François face aux interpellations pastorales que suscitent ces réalités. Le cardinal André Vingt Trois, archevêque de Paris, souligne fort pertinemment que, dans Amoris Laetitia, le pape François « nous invite à considérer les réalités de la famille d’un point de vue essentiellement pastoral  ». Cela étant, il m’a paru judicieux de lire cette Exhortation en tenant compte de ses exigences d’universalité et de contextualité, ceci par rapport aux attentes africaines.

 

1-1 Amoris Laetitia,entre universalitéet contextualité : les attentes africaines

Dès l’introduction, le pape rappelle un principe cher à sa pensée : « le temps est supérieur à l’espace  », et souligne par la suite que« … dans l’Église une unité de doctrine et de praxis est nécessaire … ». C’est reconnaître d’une part, que la force et la vitalité de l’Église viennent de sa vision universelle du salut de l’homme,et d’autre part, que la réalité qui est celle de la famille, dans sa signification anthropologique et sa dimension religieuse, a une résonance universelle. L’amour, le mariage civil et religieux, la vie de couple, au-delà des menaces que l’on peut observer ça et là, sont des réalités connues et vécues dans toutes les communautés humaines. Il en est également ainsi du divorce et des infidélités qui constituent de véritables fléaux de la vie conjugale. De ce point de vue, le sujet qui fait la trame théologique et pastorale d’Amoris Laetitia s’inscrit dans un horizon universel. La doctrine catholique, qui régit le mariage, est rappelée dans un langage accessible à tous et compatible avec toutes les traditions culturelles du monde. Lorsque le Pape François met en garde contre les dérives sociétales du mariage, aucun groupe humain n’en est  épargné. 

«Le sacrement de mariage n’est pas une convention sociale, un rite vide ni le simple signe extérieur d’un engagement. Le sacrement est un don pour la sanctification et le salut des époux, car « s’appartenant l’un à l’autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Église »…  »

Et il faut le redire ici, la beauté et la force historique de l’Église ont toujours été sa capacité à exprimer les vérités de la foi dans un langage qui, sans nier la diversité, l’assume dans une dynamique où la parole de Dieu révèle sa puissance sanctificatrice et sa vocation salvifique au sein de chaque peuple. La diversité ne s’oppose donc pas à l’unité. Le pape François le soulignait avec force dansEvangelium Gaudium:

«La diversité doit toujours être réconciliée avec l’aide de l’Esprit Saint ; lui seul peut susciter la diversité, la pluralité, la multiplicité et, en même temps réaliser l’unité. En revanche, quand c’est nous qui prétendons être la diversité et que nous nous enfermons dans nos particularismes, dans nos excluvismes, nous provoquons la division ; d’autre part, quand c’est nous qui voulons construire l’unité avec nos plans humains, nous finissons par imposer l’uniformité, l’homologation. Ceci n’aide pas la mission de l’Église ».

Une telle approche ne prétend pas gommer les différences culturelles sous-jacentes aux identités humaines de la planète, mais met en garde contre les risques de domination culturelle ou d’idolâtrie de la culture. Lorsqu’on observe la réalité chrétienne en Afrique, on se rend compte que la prolifération de nouvelles Églises est due non à l’ancrage divin de ce qui tient lieu de liturgie mais davantage aux facteurs "culturels", pour ne pas dire humains, qui empêchent alors de contempler la beauté et l’unicité de la Révélation chrétienne.
Pour revenir à Amoris Laetitia, qui célèbre la joie de l’amour dans les familles , le Pape François ne perd pas de vue que l’Église universelle se manifeste dans les Églises locales, et qu’au-delà des situations générales que l’Exhortation apostolique évoque ou décrit, les solutions pastorales les plus adaptées sont à chercher au plan local. 

«En otre, dans chaque pays ou région, peuvent être cherchées des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux. Car « les cultures sont très diverses entre elles et chaque principe général […] a besoin d’être inculturé, s’il veut être observé et appliqué  ».

 

Il est aujourd’hui incontestable que le principe d’inculturation est en lui-même universel et que toute l’histoire de l’Église est traversée par des résonances culturelles de l’Évangile. Ce qui, en certaines époques et dans beaucoup d’espaces, a abouti à des déviances doctrinales connues dans l’histoire sous l’appellation de doctrine hérétique. L’inculturation est  cependant un risque qui s’impose pour la conversion des peuples. Elle n’a de sens que par rapport à cette conversion recherchée. Elle n’est pas simplement valable pour l’Afrique ; elle concerne tous les peuples, à condition bien sûr, de ne pas diluer l’Évangile dans la culture et de ne pas mettre en péril la communion qui est le fondement même de l’Église.

La situation actuelle de la famille, dont nous avons relevé le caractère complexe plus haut, exige précisément des analyses contextuelles pour pouvoir dégager des solutions pastorales convenables et durables. Nul doute que ces analyses ont été faites par les Pères synodaux au cours des deux phases célébratives. L’Exhortation en est d’ailleurs le reflet. Mais le Pape François invite à aller plus loin, compte tenu de la diversité des situations matrimoniales ou conjugales qui attendent des réponses évangéliquement apaisantes et ecclésialement rassurantes. Et l’on comprend, dans toute leur profondeur, ces propos du cardinal André Vingt Trois, archevêque de Paris : « Amoris Laetitia n’est pas un kit applicable à toutes situations  ». La majorité des observateurs avisés s’accorde d’ailleurs à dire que cette Exhortation du Pape François n’est ni un acte de jugement ni un permis de conduire qui s’obtient sur la base de ce qui est autorisé et de ce qui ne l’est pas. En réalité, en invitant les Églises locales à la recherche des solutions les plus pertinentes pour la stabilité et le bonheur des familles, le Pape François avance sur l’itinéraire déjà annoncé de la collégialité épiscopale ou, si on veut, de la décentralisation. Tout cela est, bien sûr, nouveau, et de nature à susciter quelques interrogations, peut-être convient-il de dire, quelques inquiétudes, chez les universalistes qui sont les tenants inconditionnels de l’unité catholique.

Mais il y a un enjeu supérieur dans la démarche du Pape François, c’est celui de la responsabilité des Églises locales dans la construction du royaume de Dieu. Chaque Église doit se sentir responsable d’elle-même dans son activité pastorale et se sentir responsable des autres pour le salut de l’ensemble de l’humanité.

 

Aussi est-il très important pour les Églises africaines de prendre leur responsabilité vis-à-vis des interpellations pastorales de la famille dans sa quête de stabilité, de bonheur, et dans sa vocation missionnaire. En parlant d’Afrique ou des Églises africaines, il faut bien avoir conscience qu’il s’agit d’un continent aux réalités différentes. Mais ce qui est important, c‘est la prise de conscience qu’il faut développer autour d’une question comme celle du mariage pour, à la lumière de l’Évangile et de la doctrine bien connue de l’Église sur la famille, plus singulièrement sur le mariage, inventer des approches pastorales à la hauteur des défis identifiés. 

Comme ailleurs dans le monde, la famille chrétienne est en crise en Afrique. Le mariage, comme vocation chrétienne de l’homme et de la femme, souffre d’un certain nombre de pesanteurs socio-religieuses. Si la situation n’est pas pire qu’ailleurs, elle est d’une gravité qui ne saurait laisser indifférents les pasteurs africains. Le phénomène de dot, la polygamie, la pauvreté, l’union libre, la difficulté à passer du mariage civil au mariage religieux, l’éducation des enfants, l’absence de sécurité sociale, le divorce… sont autant de menaces, réelles ou virtuelles, à la stabilité des couples. Ces menaces empêchent, dans bien de cas, les jeunes à évoluer graduellement vers la célébration du mariage sacramentel ? la loi morale de la gradualité oblige  ? pour fonder des familles chrétiennes. La menace, la plus récurrente, à laquelle les jeunes font face dans leur volonté de se marier, est le chômage, avec son corollaire, la précarité sociale. On s’installe dans une relation de couple avec le projet de se marier, mais du fait de la précarité sociale, le projet est indéfiniment reporté. Il s’en suit ainsi de nombreux cas d’irrégularités conjugales qui fonctionnent comme des prisons spirituelles. Quand et comment sortir de ces unions libres pour accéder au sacrement du mariage ? La situation se complique davantage, lorsqu’au bout d’un certain temps de vie commune, les enfants commencent à naître. Il y a également le cas de ces couples qui se sont unis devant Dieu à l’église, et qui, pour des raisons diverses, ont divorcé pour se remarier civilement. Très souvent, les tribunaux ecclésiastiques africains sont incompétents pour donner suite aux multiples recours en nullité et aux requêtes sollicitant la convalidation radicale. Les requérants attendent les décisions pendant des années, et beaucoup meurent sans qu’une décision ait été pise pour leurs cas.

 

LA POLYGAMIE, un handicap majeur à la vocation chrétienne de la Famille chrétienne en Afrique

La plupart des familles africaines sont déstabilisées par le phénomène de polygamie. Les principales victimes sont des femmes. Souvent justifiée à tort par les tenants de la culture traditionnelle africaine, la polygamie ne saurait s’expliquer autre ment que par l’esprit de concupiscence de l’homme et la volonté de tenir la femme comme créature inférieure. C’est vrai que dans le passé, d’autres que les Africains ont pratiqué la polygamie,elle aujourd’hui s’etre exilé en Afrique où avec la complicité  des Etats qui refusent de l’abolir, elle survit tranquillement et sournoisement, comme conséquences l’écartelement des familles et le recul de la culture chrétienne. Pour nous catholiques d’Afrique, la polygamie est intrinsèquement perverse.Face à la pratique homosexuelle et à la légalisation des mariages gay, certains avancent en Afrique que la polygamie doit aussi etre reconnue par L’Eglise.Mais si A . L. s’est beaucoup appesantie sur la question des divorcés remariés, qui concerne davantage l’Europe que l’ Afrique – ce qui d’ailleurs amènent certains observateurs à dire que cette Exhortation a un caractère plus européocentrique– celle de la polygamie ne semble pas avoir été suffisamment mise en exergue.

En invitant les Églises locales ? dont les Églises africaines aussi? à participer, dans la logique de la casuistique, à la recherche des solutions les plus indiquées, pour aider les familles en difficultés et les couples tombés dans des irrégularités conjugales à se réconcilier avec l’Église et, éventuellement, retrouver la joie d’accès aux sacrements. Nous pensons que la polygamie ne doit pas rentrer dans les catégories de discernement ainsi préconisées par le Pape dans l’Exhortation, au risque de consacrer une situation de fait et de fragiliser les familles qui observent la loi de l’Eglise en la matière.

Si Amoris Laetitia n’est pas un recueil de normes canoniques, destiné à fournir des réponses parfaites à chacune des situations matrimoniales reconnues difficiles, elle demeure  un cadre de réflexion qui propose des conditions pastorales d’accueil de tous dans l’Église, les bien portants comme les mal portants, et qui inspire, au nom de la miséricorde. De ce point de vue, je reconnais que l’Afrique chrétienne a beaucoup à gagner à lire Amoris Laetitia ; et que cette Exhortation est d’une fécondité pastorale qui doit aider les Églises africaines à trouver de bonnes recettes pour accueillir dans l’Église les familles blessées, et éviter à d’autres qui ne le sont pas encore les désagréments spirituels qui pourraient les éloigner de la joie qu’offre une union conjugale légitime.

Sans faire cause commune avec les auteurs des dubia,  je reconnais qu’il est absolument important de tenir aux fondements divins de la famille, dont l’Église se fait l’écho par un enseignement rigoureux qui s’inscrit dans la Traditio. Je reconnais également, à la lecture de Amoris Leatitia, que le Pape François reste attaché à cet enseignement, tout en tenant compte de la souffrance morale et spirituelle de nombreuses familles qui sont tombées dans des situations auxquelles l’Église ne saurait se montrer indifférente. Ici réapparaît la dimension pastorale d’une Église ensortie, celle qui va à la rencontre de l’humanité souffrante et repentante pour lui délivrer un message d’espérance, une parole qui réconforte et ouvre les portes du salut à ceux qui les croyaient déja fermées à cause de leurs péchés. Il faut sauver la famille.Etsauver la famille, c’est l’aider à redécouvrir le visage miséricordieux du Christ. Cette miséricorde, bien qu’illimitée, n’est pas à confondre avec le miséricordisme. Sauver la famille, c’est construire un nouveau discours quireconcilie le précieux héritage doctrinal avec les exigences de réparation des déchirures de la conscience morale, en faisant fi de l’idéologisme, du maternalisme, du paternalisme et du miséricordisme. Il s’agit d’être attentif aux signes des temps afin de capter ce que nous dit l’esprit pour soigner ce qu’il faut considérer aujourd’hui comme blessures de la famille. J’en viens d’ailleurs à me poser la question : à quoi auraient servi deux ans pour ce synode, s’il fallait tout simplement reconduire le discours habituel  sur la famille?

Conclusion

Pour l’Afrique ? et de mon point de vue personnel ? Amoris Laetitia, en posant un diagnostic universel sur la famille, pour inviter les Églises locales à participer à la recherche des solutions pastorales, dans la logique de la contextualisation des principes généraux, est une Exhortation intéressante. Il faut cependant  que nos Eglises soient prudentes dans le discernement  préconisé par le Pape François pour adopter une position commune face à une question comme la polygamie, et pour éviter d’avoir des lignes d’action pastorale divergentes face aux situations semblables. En se projetant dans l’avenir, il me semble dès à présent impératif d’intégrer dans la formation des futurs pasteurs la théologie du discernement et celle de la miséricorde. Parler du discernement et de la miséricorde sans en avoir l’expérience spirituelle dans le cadre de la formation proposée aux futurs pasteurs peut se révéler anachronique par rapport à une réalité telle que la famille, dont le mariage constitue le socle fondateur. Comme on le voit, le synode est loin d’être terminé.Amoris Laetitia ouvre un chantier pastoral permanent sur la famille, mais un chantier où les pasteurs et les fidèles chrétiens doivent avoir à cœur de faire prévaloir la conscience ecclésiale, sans laquelle notre identité catholique serait abîmée.